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Confinés ? mettez-vous à niveau sur les activités devant le Tribunal

Le 04 novembre 2020
Confinés ? mettez-vous à niveau sur les activités devant le Tribunal
Une présentation synthétique de la manière de se comporter dans une procédure, les règles existantes, les écueils principaux, le vocabulaire, les méthodes d'augmentation de ses connaissances en procédure

Le monde des palais de justice et autres tribunaux, cours, peut sembler mystérieux, voici donc quelques informations dont j’espère qu’il vous paraîtra plus logique.
 
I – on commence par le procès simple
 
Le procès « ordinaire » : commençons par celui qui oppose A à B, il y a ici un demandeur et un défendeur, féminisés, ces mots deviennent la demanderesse et la défenderesse.
 
Dans cette structure simple, il faut que le Tribunal soit saisi (requis de trancher le litige), l’acte qui saisit le Tribunal, dans une forme simple est l’assignation, c’est un avis écrit, délivré par huissier et qui informe le défendeur de ce qui est demandé contre lui.
 
Après que l’assignation aura été remise au défendeur, le demandeur en envoie un exemplaire au Tribunal et les services administratifs du Tribunal (le greffe) organisent la dispute.
 
Cette dispute doit être tranchée par le juge, après avoir entendu les arguments, chacun ayant eu le temps de l’émettre et de répondre à son adversaire.
 
La décision du juge (nous sommes toujours dans la formule simple) est un jugement.
 
Le jugement est un document écrit, il rappelle le nom des parties en cause, les dates de la procédure, les arguments présentés et la réponse à ces arguments.
 
II – un peu de vocabulaire
 
Voyons un peu plus en avant le vocabulaire :
 
Quand A demande à un huissier d’intervenir, on dit que l’huissier est requis par A
L’huissier se présente à B et il délivre l’assignation
 
L’assignation existe en deux originaux : le second original est transmis au greffe
 
La remise au greffe porte le nom de placement
 
A et B pris ensemble portent le nom de parties
 
Le jugement est écrit et communiqué aux parties, on dit qu’il est rendu.
 
La décision porte parfois le nom d’arrêt ou d’ordonnance selon qui l’a rendue et en quelle matière.
 
Si A ou B échoue, il est dénommé la partie perdante
 
Celui qui forme une demande que le juge n’accorde pas est débouté, les demandes acceptées par le juge sont dénommées demandes accueillies
 
III – les écueils de la procédure simple
 
Voyons maintenant, toujours dans les procédures simples, les écueils
 
Il ne suffit d’avoir raison, il faut aussi suivre aller devant le bon juge (1), ne pas agir trop tard (2) ni trop tôt (3), et avoir la loi (4) et les pièces (5) pour soi et respecter la procédure (5)
 
Les formes procédurales sont des motifs d’échec assez fréquents, gare donc aux points suivants :
 
1 - Ne pas se tromper de juge : il existe des juges affectés à diverses matières, c’est la question de la compétence matérielle, dite encore la compétence d’attribution
 
Ainsi un juge installé pour connaître des litiges familiaux (juge aux affaires familiales) ne pourra juger un sujet excédant cette matière familiale.
 
C’est là un principe simple, mais il existe des situations juridiques complexes dans lesquelles l’identification du juge matériellement compétent est délicate : la frontière entre les matières civile et commerciale est parfois ténue.
 
Et que dire du cortège de litiges liés à l’existence du juge administratif à côté du juge civil, provoqué par l’existence de structures semi-publiques !
 
Parfois une loi, pour une matière précise, affecte son contentieux à un juge spécialisé.
 
Parfois aussi, les contrats peuvent déroger au juge naturel et prévoir des clauses attributives de compétence ou des clauses d’arbitrage.
 
La saisine d’un juge matériellement incompétent provoque l’irrecevabilité de la demande, il faut aller devant le bon juge.
 
Par chance, celui qui invoque l’incompétence (on dit soulève l’incompétence) doit désigner le juge qu’il estime compétent (voir article 75 du Code de Procédure Civile), sinon son moyen d’irrecevabilité sera lui-même jugé irrecevable, ce dispositif réduit les risques de déambulation d’un juge à l’autre.
 
La question de la compétence territoriale se pose aussi : il existe des juges, pour telle ou telle matière, installés dans divers lieux du pays, chacun s’occupe de son ressort territorial : le juge du commerce de Bordeaux ne peut, par exemple, occuper pour une demande relevant de son homologue de Marseille.
 
Or là encore c’est le demandeur (dans notre exemple A) qui doit identifier le bon juge au sens territorial.
 
Il encourt là aussi une incompétence.
 
Les codes de procédure contiennent des règles à ce titre, on observera qu’elles dépendent de la matière à juger, qu’elles sont parfois aménageables dans les contrats, qu’il existe des cas dans lesquels le demandeur a le choix du lieu de son litige, entre autres par la théorie des gares principales.
 
2 - Ne pas agir trop tard :  le mécanisme dit de la prescription éteint les droits de celui qui néglige de les exercer, en pratique, il existe un délai pour agir, si on le dépasse on est prescrit
 
Ce mécanisme pour fonctionner, doit évidemment mobiliser :
 
-       Un délai (nombre de jours de mois ou d’années)
-       Un point de départ (à partir de quand le délai va courir)
-       Des cas de suspension ou d’interruption du délai (après lesquels le délai recourt ou non entier)
-       Un dernier jour (avec des règles détailles, les enjeux sont importants)
 
Ces mécanismes sont codifiés, dans des codes variant selon les matières concernées.
 
Si B pense que A agit trop tard, il va soulever la prescription
 
Mais il devra le faire en suivant les règles du code de procédure de sa matière, parfois exigeantes (par exemple quand elles exigent de le faire avant toute défense au fond : « in limine litis »)
 
3- Ne pas agir trop tôt : Il faut pour agir, avoir un intérêt né et actuel, les actions prématurées ou préventives ne sont permises que minoritairement.
 
Notons aussi que parfois, il faut, avant de saisir le juge, suivre des formalités préalables obligatoires (médiation, recours administratif, etc…).
 
4 - Avoir la loi pour soi : en supposant que A soit devant le bon juge (tant matériellement que territorialement), dans les délais admis (ni trop tôt ni trop tard) encore faut-il qu’il invoque avec succès la Loi.
 
Ici le mot Loi s’entend de toutes les sources de Droit invocables par lui, qui sont parfois complexes ou hiérarchisées :
 
Les codes peuvent contenir des règles invocables, avec une hiérarchie des normes (loi, décret, arrêté, etc…), il y aussi le cas des circulaires ou de la doctrine publique (un commentaire de la portée de la loi par un acteur public), parfois opposable.
 
La Loi change dans le temps : le litige doit être tranché par application d’un loi éventuellement ancienne
 
parfois la Loi des parties est un contrat, est-il bien dépourvu d’ambiguïté ?, signé par les parties ayant eu le pouvoir de le faire ?, le contrat est-il révisable par le juge (c’est fréquent), une partie est-elle licite ?
 
il existe des obligations non choisies (par exemple une convention collective qui ajoute à un contrat de travail)
 
quand la loi est délicate à interpréter, on recourt à la jurisprudence (décisions publiées et qui éclairent la portée d’un texte ou d’une situation juridique), voire même à la doctrine (avis de juristes)
 
4 - avoir les pièces pour soi : il n’existe pas de litige qui ne soit pas tranché en appréciant des éléments matériels, on dénomme pièces les justifications que A devra produire (ou que B produira pour se défendre)
 
Ces pièces doivent exister et avoir un caractère probant, faut de quoi A, quoiqu’ayant la Loi pour lui, ne démontrera pas sa situation réelle.
 
5 – respecter la procédure : la procédure est parfois obligatoirement écrite, enfermée dans des délais impératifs, l’avocat est parfois obligatoire, les actes peuvent avoir une forme obligée sous peine de nullité, le principe de la contradictionrègne (obligation d’échange loyal avec l’adversaire), manquer à ces règles conduit à l’échec ;
 
IV – les procédures moins simples
 
En dépassant le cas de A assignant B, nous trouvons des variantes, en voici quelques exemples :
 
Les recours : si le jugement ne plaît pas à A ou à B (ou aux deux), il est souvent offert de saisir un second juge, c’est le principe du double degré de juridiction, le mot recours est plus large que le mot appel (l’appel est une des formes de recours), devant ce second juge, on suivra les règles de procédure qui lui sont propres.
 
La table des matières du code de procédure civile permet de relever ces diverses règles.
 
L’expertise : le juge peut trouver que la solution du litige nécessite un avis technique extérieur, en ce cas, il désigne un expert et fixe sa mission, cette initiative peut être issue d’une partie ou du juge lui-même.
Le litige va alors connaître des branches supplémentaires :
 
-       On plaide sur le principe de l’expertise
-       On participe à l’expertise, en observant les principes du débat devant un expert (qui ne pense pas comme le juge)
-       On plaide devant le juge sur le rapport rendu
 
Les incidents : Les codes de procédure contiennent leur description (exemple : articles 367 à 410 du code de procédure civile) il s’agit d’une liste de circonstances qui vont empêcher le jugement ou modifier la structure du litige (joindre ou disjoindre, suspendre son examen, etc…)
L’incident déclenche en soi un débat avec ses propres règles de forme et de fond, il provoque une décision autonome, qui ne se confond pas avec le jugement attendu et elle parfois insusceptible de recours.
 
Le retour devant le premier juge après jugement :  c’est parfois possible (par exemple sur demande de révision ou sur opposition).
 
Le référé : c’est un canal permettant de demander à un juge une mesure urgente ou évidente, il provoque une décision qui ne se confond pas avec le jugement tranchant le fond du litige, la demande en référé suit des formes qui lui sont propres.
 
Comme le référé est indépendant du fond, il est possible d’actionner successivement le juge en référé puis le juge au fond.
 
L’exécution provisoire : quand le juge émet une décision, elle peut parfois bénéficier de l’exécution provisoire, c’est-à-dire qu’elle a une force exécutoire même si elle est visée par un recours. Cet effet est soit issu de la Loi (un texte le prévoit) soit de la volonté du juge qui a rendu la décision.
 
Il existe une série de règles permettant, devant le juge saisi du recours contre la décision, de suspendre l’exécution provisoire, de l’aménager ou de la demander si elle n’avait pas été accordée.
 
Les procédés non contradictoires : il est permis parfois de demander au juge une mesure en l’absence de l’adversaire (par exemple une saisie conservatoire), ce procédé, qui se justifie en cas de péril, est encadré, principalement par une dénonciation à l’adversaire qui pourra critiquer la mesure, le débat est alors ouvert en sa présence, mais le péril est couvert.
 
VII – comment se familiariser avec tout cela
 
Même après des années de pratique, il faut consulter les codes, en particulier le code de procédure.
 
Pour un coup d’œil sur ces sujets, je recommande déjà de parcourir la table des matières du Code de Procédure Civile, on y voit un classement de ces sujets, dont l’existence trouve sa source dans les contraintes techniques inhérentes à un litige remis à un juge.
 
Vous y retrouverez les notions que je viens de commenter et qui servent au quotidien devant le juge.
 
Ensuite, il existe d’autres codes qui pourront aussi être abordés par leur table des matières, soit pour le fond, soit pour la forme (procédure).
 
Cyrille JOHANET – avocat au Barreau de Paris