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Comment bien rédiger des conclusions (le point de vue de l’avocat)

Le 22 février 2024

 
 
I - CADRE GENERAL POUR PRODUIRE DES CONCLUSIONS EFFICACES
 
Les conclusions s’analysent comme la réponse écrite à des arguments adverses eux-mêmes écrits.
 
Les arguments adverses sont issus soit d’une assignation (on dit d’ailleurs que « l’assignation vaut conclusions »), soit de conclusions adverses.
 
Etant une réponse par nature, les conclusions commentant la thèse adverse, deux grands cadres sont possibles :
 
è les conclusions répondent à l’assignation, en ce cas, il s’agit des premières conclusions
 
Dans ce cas, la description des faits est nécessaire, il faudra présenter le litige et décrire comment il se présente en fait et en Droit.
 
Comme il s’agit d’un ouvrage en réplique, les faits ont déjà été exposés « en face », il faut soit les décrire de façon autonome soit, si nécessaire, exprimer une description remettant en cause la présentation adverse.
 
La critique de la présentation adverse doit être très claire, il ne faut pas hésiter à user de formules telles que : X. allègue que…. Cette présentation est inconciliable avec ….. (ici citer des pièces du dossier).
 
è les conclusions répondent à d’autres conclusions au ajoutent à des conclusions déjà déposées
 
Nous sommes alors dans le cadre de conclusions additionnelles, leur forme idéale est la reproduction des précédentes conclusions et l’ajout d’une partie évoquant ce qui est nouveau, provoqué par les conclusions adverses.
 
Il n’y a pas de forme requise pour l’exprimer, le mieux semble être l’ajout de deux paragraphes intitulés : « les observations de… (l’adversaire) puis « la réponse de … aux observations de … »).
 
Il existe des procédures dites orales, dans un tel cas, les conclusions sont remises au juge mais men précisant oralement que celui qui les dépose « s’en rapporte à ses conclusions ».
 
II -  RECOMMANDATIONS PRATIQUES
 
Le débat est technique, mieux vaut reformuler d’abord ce qui est allégué « en face ».
 
« X. propose au Tribunal de dire que ….. »
 
Et dans une nette réplique apporter la réponse « toutefois il apparaît que …. »
 
Ainsi le Juge est clairement mis en possession des deux positions.
 
Les conclusions déclineront méthodiquement les défauts de la position adverse en fait et en Droit (ressortons ici le bon principe, une phrase par idée et une idée par phrase).
 
Si dans un échange antérieur, il a été soutenu un argument et qu’il n’y est pas répondu, il ne faut pas manquer de le faire observer : « X. laisse sans réponse le moyen selon lequel…. », pour fiabiliser cette technique, il faut écrire un inventaire des moyens antérieurs et des réponses y apportées.
 
Sont à mettre en évidence et  à dénoncer comme tels :
 
-       les déclarations que les pièces démentent
-       les déclarations non appuyées de pièces
-       les suppositions sans justificatif
-       les accusations « gratuites »
-       les procédés incantatoires
-       les contradictions en fait ou en Droit intrinsèques aux conclusions adverses
-       les contradictions en fait ou en Droit entre les versions successives des conclusions adverses
L’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que « ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux ».
Cette impunité a toutefois des limites, elle n’est d’abord que pénale et non disciplinaire (l’avocat est soumis à  des règles ordinales) et ensuite, la véhémence de la défense peut être exclue « de la protection de la liberté d'expression accordée par l'article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (cf arrêt de la première Chambre Civile de la Cour de Cassation, 10 septembre 2015, N°14-24.208).
 
Notons aussi que la stratégie procédurale qui passe par des conclusions ne permet pas toutes les libertés, citons ici :
Le principe de concentration des moyens, que la Cour de Cassation exprime par la formule « Il appartient au défendeur de présenter dès la première instance l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande ». les conclusions de pourront donc éluder ce principe, la sanction en étant l’irrecevabilité ultérieure d’une demande ayant le même objet entre les mêmes parties, due à la même cause même si elle est présentée sur des fondements juridiques différents (cf arrêt de la deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation, 27 février 2020, N°18-23.370).
La prohibition d’un changement déloyal des prétentions que la Cour de Cassation exprime par la formule « nul ne peut se contredire au détriment d’autrui » à qui on donne aussi le nom d’ESTOPPEL, peut faire obstacle à un changement déloyal de prétentions (mais non de moyens pour les soutenir), ce dans une même instance, c’est-à-dire devant le même juge (cf Cour de Cassation, Assemblée plénière 27 février 2009, N° 07-19841).
 
III – LES EXIGENCES DE FORME
 
Le Code de Procédure (article 768) prescrit que :
 
« Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée… »
 
On ne peut donc imaginer des conclusions qui ne proposent aucune qualification en Droit.
 
« …avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation… ».
 
La mention des pièces invoquées avec leur numéro doit donc apparaître dans le corps du texte, attachée à la prétention qu’elle soutient.
 
« Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions… ».
 
La liste des pièces invoquées avec leur numéro doit donc apparaître à la fin du texte ou dans une annexe.

« Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions ».
 
Trois parties donc au minimum, les faits, la procédure (1) la discussion (l’argumentation en fait et en Droit) (2), les prétentions (3) cette dernière partie est intitulée « par ces motifs »
 
« Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte ».
 
Il est d’usage, pour observer cette exigence, de porter un trait en marge des parties nouvelles.
 
« Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif…. »
 
Donc la ou les demandes doivent être transcrites dans la dernière partie » (intitulée « par ces motifs », aussi étendue qu’ait été la deuxième.
 
«…. et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ».
 
Pas de troisième partie non appuyée d’une deuxième….

« Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées »
 
Les dernières conclusions déposées reçoivent le nom de conclusions « récapitulatives »,
 
On voit ici une sanction : il faut que le Juge soit bien saisi, dans ce dernier écrit, de toutes les demandes.
 
Comme on ne sait pas toujours quand un échange se termine, cette exigence aboutit à voir circuler des conclusions avec le titre de récapitulatives mais suivi d’un numéro, N°2, N°3….
 
Cyrille JOHANET, avocat